Tom Je suis d'ailleurs content que le public n'ait pas suivi les tentatives de 60 fps, qui relevaient exactement de la même logique (plus d'infos = forcément mieux), alors que les sensations d'immersion qu'on perd en "gagnant" en surplus d'information par un framerate plus élevé sont flagrantes.

Je pense que c'est avant toute chose une question de référentiel et de substrat culturel. Pour la plupart des gens, le 24 i/s = cinéma. Le 50/60 i/s = télévision (même plus précisément le soap opéra) ou jeu vidéo. Quand Peter Jackson a tenté une fiction cinématographique en 48 i/s, on lui est tombé dessus comme jamais. Et c'est totalement absurde.

Déjà, il faut se demander pourquoi une cadence d'image serait spécifique à une catégorie artistique, et en quoi changer cette cadence déplacerait le film vers une catégorie moins prestigieuse. Le 24 i/s est un standard arrêté au moment de l'apparition du son synchrone à partir d'un compromis technique. Il fallait suffisamment d'images pour ne pas être gêné par un scintillement ou un défilement trop lent, mais en même temps ne pas monter trop haut dans la cadence pour ne pas avaler les bobines et payer le mètre plus cher. Certains conglomérats avaient choisi le 22 i/s, d'autres le 26 i/s, et on a tranché. Aujourd'hui, cette limitation n'a plus aucun sens puisque des images en plus représentent un coût négligeable. En évacuant la question de la transformation des normes de diffusion qui ne demandent qu'un investissement initial dans la répercussion matérielle de ces décisions, même en prenant en compte le stockage et le traitement, il n'y aurait pas de grandes différences financières entre un film à 24 i/s et un film à 48 i/s. Le workflow resterait en outre quasiment le même, on peut donc dire que logistiquement, il n'y aurait pas de conséquences non plus. La cadence d'image est passée d'une donnée financière et logistique cruciale à un simple chiffre dans les métadonnées des fichiers.

Je ne donne pas cher de la norme 24 i/s dans les deux ou trois décennies à venir. Les enfants qui naissent aujourd'hui s'habituent très tôt à des cadences très élevées pour tout type de supports vidéographiques, ce qui n'a pas été notre cas. Notre regard est biaisé parce que les films qui nous ont marqués sont tous en 24 i/s, et cette forme d'interprétation du mouvement est associée à une plus-value artistique. Mais ces enfants d'aujourd'hui n'auront pas la même expérience, et dans une époque où n'importe quel écran peut tourner en 60 Hz grand minimum, où le moindre téléphone affiche un mouvement avec deux ou trois fois plus d'images qu'au cinéma, où chaque caméra grand public propose un mode à 60 i/s allant jusqu'à 120 ou 200 i/s, où tout le monde cherche le confort et la fluidité, je suis certain que le référentiel va être totalement déplacé vers une cadence élevée, qui ne sera plus l'apanage de la télévision et des soap opéras, ni celui du jeu vidéo. En me projetant davantage, je vois même le grand public ringardiser les films en 24 i/s quand un standard de défilement plus élevé sera installé, de la même manière que le noir et blanc aura été ringardisé quand la couleur s'est démocratisée. Et à ce moment, faire un film en 24 i/s deviendra un risque à prendre, celui de se couper de la majorité du public.

Tu as raison sur l'habitude culturelle - je pensais que Le Hobbit avait aussi été présenté à une génération qui n'avait pas le référentiel cathodique entrelacé (et l'idée associée de ce qui "fait TV"), mais en fait en 2014 les écrans plats n'ont que dix ans, donc une immense majorité du public l'a, ce référentiel.

Question habituation, dans la liste que tu fais, je ne suis pas tant inquiet par le jeu vidéo (qui peut être vécu comme un truc à part) que par les filtres smooth automatiquement activés sur tous les écrans plats, et qui habituent le public à ce genre de cadences quand ils regardent un film ou série...

Après, pour nuancer, je pense quand même il y a une différence (quoiqu'on préfère) qui ne tient pas uniquement à l'habitude, entre des cadences laissant une part à compléter au cerveau du spectateur (avec un effet de saccade sensible, qui crée une sorte d'interface entre le produit artistique et le réel qu'il reproduit) et d'autres qui cherchent à remplir ces trous (je remarque ainsi bien moins la différence entre le 16 i/s du muet et le 24 i/s du parlant, qu'avec les 48 ou 60 i/s). On peut d'ailleurs en voir une application dans ces films d'animation 3D récents (comme La Grande aventure Lego) qui se mettent à imiter la saccade d'une animation stop-motion pour retrouver une immersion que la sur-fluidité du mouvement, pourtant plus naturelle, a perdu en route.

Et le fait qu'on cherche a atteindre cette vitesse, contre la moindre demande en ce sens (contrairement au désir collectif que put être la couleur, ou le son), reste révélateur.

On verra pour l'avenir ! Car la 3D, qui va dans le sens "naturel" d'une plus grande immersion et d'imitation du réel, n'a finalement pas pris (une fois de plus). Mais tu as sans doute raison - après on peut aussi plus simplement penser que cadence ou pas, dans 20 ans, le cinéma plus personne n'en aura rien à foutre (c'est déjà un peu le cas).

    Tom Melville situait la mort du cinéma en 2020, j'ai l'impression que tu lui emboîtes le pas. En comprenant, je pense, ce qu'il a voulu exprimer, j'ai tendance à voir le cinéma comme un art mouvant, comme un ensemble de morts et de renaissances. Quelque chose est mort avec le son, avec la couleur, avec les VHS, mais quelque chose naît à chaque fois aussi. Le cinéma de 2020 n'est plus celui de 1970, et le cinéma de 2040 ne sera plus celui de 2020. De là à dire que plus personne ne s'y intéresse…

    Je veux bien tes sources concernant l'arrivée du son. Dans les miennes, personne n'en veut avant d'y avoir goûté, le désir collectif est donc ailleurs. Et je ne parle pas que des réalisateurs, j'ai lu des avis très amusants émanant du public, notamment dans les Comoedia de 1928, où, dans le courrier des lecteurs, les spectateurs s'essaient à imaginer la monstruosité et la vulgarité du dispositif. Ce qu'il en ressort, c'est que pour eux, le cinéma est visuel, un point c'est tout.

    • Tom a répondu à ça.

      Ardalion Tom Melville situait la mort du cinéma en 2020, j'ai l'impression que tu lui emboîtes le pas. En comprenant, je pense, ce qu'il a voulu exprimer, j'ai tendance à voir le cinéma comme un art mouvant, comme un ensemble de morts et de renaissances. Quelque chose est mort avec le son, avec la couleur, avec les VHS, mais quelque chose naît à chaque fois aussi. Le cinéma de 2020 n'est plus celui de 1970, et le cinéma de 2040 ne sera plus celui de 2020. De là à dire que plus personne ne s'y intéresse…

      Pour le coup je ne pensais pas vraiment à un déclin lié à ses évolutions internes, qu'elles soient techniques ou esthétiques. Mais la réponse à rallonge que je commençais à écrire nous amène vers un autre sujet qui mériterait son propre topic, donc je vais le faire tout de suite pour éviter de jouer à Edward Scissorhands :-)

      Ça continue donc là : https://forum.cinestudia.fr/d/63-theories-de-la-mort-ou-du-declin-du-cinema


      Je veux bien tes sources concernant l'arrivée du son. Dans les miennes, personne n'en veut avant d'y avoir goûté, le désir collectif est donc ailleurs. Et je ne parle pas que des réalisateurs, j'ai lu des avis très amusants émanant du public, notamment dans les Comoedia de 1928, où, dans le courrier des lecteurs, les spectateurs s'essaient à imaginer la monstruosité et la vulgarité du dispositif. Ce qu'il en ressort, c'est que pour eux, le cinéma est visuel, un point c'est tout.

      Ha je n'en ai pas du tout - tu as sans doute raison (je connaissais la réticence des cinéastes, pas celles du public). Je me fondais simplement sur le fait que les essais et tentatives en ce sens existaient dès les tous débuts, et ont couru tout au long du muet, ce qui n'était pas forcément le cas pour le framerate plus élevé.

      J'ai aussi tendance dans ma tête à faire une séparation (peut-être artificielle) entre des évolutions qui suivent le cours logique d'une meilleur retranscription de la réalité, ou en tout cas en comblant un manque (son, couleur, 3D) et d'autres qui ont été des réactions de l'industrie pour contrer une désaffection du public ou minimiser les dépenses (formats larges, numérique, atmos). Je ne sais pas trop où je situerais le framerate là-dedans, qui me semble un peu relever des deux.

        Tom J'ai retrouvé un morceau de scan du Comoedia de juin 1928, juste pour finir là-dessus. Il y avait une enquête par numéro et toutes ont un intérêt particulier, mais celle-ci est assez représentative (et plutôt drôle).

        Pour en revenir au sujet du topic et relier les points évoqués, la volonté de simuler la pellicule est aussi pour moi la négation de la mort du cinéma et de sa renaissance, tout comme elle cherche à retranscrire les derniers éclairs de prestige d'une industrie à son hégémonie, époque que tu évoques dans le sujet que tu as créé pour l'occasion. Un temps où le cinéma était seul maître, à la croisée de l'art, du spectacle et de l'évènement social. Une puissance culturelle au pouvoir d'évocation tel que l'on s'est attaché aux failles glissées dans sa volonté de mimer le réel, à ses limitations techniques et ses excentricités formelles. Aujourd'hui, faire un film en pellicule ou tenter de l'émuler numériquement, c'est aussi cela : nier que le cinéma ne se réduit pas à son support de tournage, et se lancer activement dans la même quête de pureté, d'essence du cinéma que le public de 1928 défendait passivement face à un son synchrone qu'ils n'avaient jamais entendu.

        • Tom a répondu à ça.

          Ardalion Oh purée mais c'est absolument génial cette archive !

          Il y a tout : le vertige de cet étalage de noms jugés importants aujourd'hui largement oubliés, le plongée dans le point de vue de la période sur elle-même (Bianchetti qui dit "nous seront revenus à nos plus mauvais jours", nous rappelant la piètre opinion que l'époque avait du jeu des acteurs des tout débuts), les Cassandres technologiques manquant d'imagination... Après on reste du côté de la profession, je serais curieux de voir les retours du public (quoiqu'une grande partie doit se caler sur ce qu'ils lisaient ou entendaient du monde professionnel, de toute façon).

          Effectivement, ça permet de remettre assez violemment les choses en perspective. Cela dit, pour ma défense, je me dois de signaler que le numérique j'étais très excité à la base - c'est seulement devant le résultat et le peu de sensations que j'avais assez vite déchanté. Mais il faut dire que le numérique en France (la projection, en tout cas) est arrivé par le biais de la 3D, qui à la fois en compensait le côté terne et statique (qui ne fut donc pas immédiatement flagrant), et qui s'offrait comme une évolution hautement stimulante : je me souviens, autour de moi, on avait l'impression de vivre un moment très important de l'histoire du cinéma, et c'était assez excitant !


          Aujourd'hui, faire un film en pellicule ou tenter de l'émuler numériquement, c'est aussi cela : nier que le cinéma ne se réduit pas à son support de tournage, et se lancer activement dans la même quête de pureté, d'essence du cinéma que le public de 1928 défendait passivement face à un son synchrone qu'ils n'avaient jamais entendu.

          Là-dessus je ne suis qu'à moitié d'accord. Je te suis sur le fait que je préfèrerais voir le cinéma explorer les singularités du numérique que d'imiter la pelloche - le flare anamorphique est le symbole même du doudou nostalgique (comme l'est une bonne partie du ciné mainstream aujourd'hui), c'est comme un filtre instagram vieille photo, ça a du mal à être vécu autrement que comme un constat d'échec.

          Là où je suis moins d'accord, c'est que le remplacement pur et simple n'est pas forcément la seule destinée des innovations techniques au cinéma : le résultat peut aussi être l'abandon, ou la cohabitation. La 3D, qui a essayé par trois fois dans l'histoire du ciné de s'imposer comme standard (même si sa dernière tentative était beaucoup plus sérieuse) a échoué à chaque fois à s'imposer. L'arrivée du cinémascope, hautement décrié par les cinéastes à l'époque (sur un mode voisin de l'article que tu as posté), n'a finalement pas résulté en un remplacement pur et simple du 1.37 (qui a mis longtemps à s'éteindre, et qui revient d'ailleurs aujourd'hui, même si c'est avec une certaine dose de pose) : il en a plutôt résulté une variété de formats (cinémascope, 1.66, 1.85...) cohabitant à égalité, et parmi lesquels les cinéastes peuvent choisir.

          Bref, il n'y a rien d'absurde, sur le simple plan artistique, à penser un cinéma futur où pellicule et numérique seraient les deux options à disposition (parmi tant d'autres variables), selon ce qu'on veut faire. Même si ça semble difficilement réalisable pour des raisons de praticité technique et de chaîne de post-production (mais c'est un peu le problème que j'ai avec le numérique, je dirais : sa première motivation est de faciliter les chaînes de post-prod, et ses singularités ne sont qu'un dommage collatéral, et non l'effet recherché).

            Tom Oh purée mais c'est absolument génial cette archive !

            Oui je me suis bien amusé pendant cette recherche, les témoignages se savourent. J'aime beaucoup flâner dans la presse d'époque. Le choix des sujets, le traitement apporté et le phrasé utilisé suffisent en eux-mêmes à attirer l'attention. Lorsque la thématique est aussi fleurie, on s'y plonge sans s'arrêter.

            En ce qui me concerne, je n'ai pas du tout été emballé par l'arrivée du numérique dans les salles de cinéma. Ce qui m'emballait, c'était plutôt l'arrivée du numérique en tournage. J'imaginais, un peu rêveur, que la technique liée à la pellicule, qui m'était très obscure, allait laisser la place à une technique simple et accessible, y compris pour moi qui commençais à maîtriser une forme de workflow numérique à travers la DV - je n'avais alors jamais mis les pieds sur un vrai plateau de cinéma. J'ai eu raison sur l'accessibilité avec l'arrivée des DSLR et leur capteur 35 mm, mais je me suis bien trompé sur la simplicité. En tout cas il est étonnant de voir la 3D comme l'accoucheur de la projection numérique, je ne l'avais pas vu sous cet angle. J'ai même tendance à penser l'inverse, que la 3D est une sorte d'opportunité offerte par la projection numérique, mais que l'objectif était avant tout de passer des bobines au DCP.

            Si tu as des sources concernant les réactions de cinéastes à l'arrivée du cinémascope, je suis preneur. Il n'empêche que le scope a fini par s'imposer comme un standard malgré tout, même si, et notamment en France ou en Grande-Bretagne, la transition a mis du temps. D'ailleurs, le grand public ne sait même pas que le 1.85 est le standard cinéma réel, quand il va au cinéma, il s'attend à voir du 2.35.

            J'en profite pour faire découvrir un petit site tout droit sorti des années 90 et qui s'attache à décrire les différentes tentatives d'élargissement de l'écran de cinéma, et donc de l'image de film, à travers les quelques standards qui ont traversé les années 1950, sans tous y survivre (dont le Cinerama, heureusement pour les opérateurs caméra et la moitié de l'équipe de tournage) : Widescreen Museum.

            Je te suis sur le fait qu'il n'y ait rien d'absurde à imaginer une cohabitation des techniques, mais la pellicule est désormais une coquetterie, une forme de caprice. J'ai croisé, ces 5 dernières années, plusieurs réalisateurs, souvent jeunes, qui avaient réussi à tourner leur film sur pellicule, et aucun ne pouvait justifier réellement, techniquement, le choix de ne pas tourner en numérique. Un des films s'intéressait à une communauté juive moribonde d'un petit village du sud de la France, et la pellicule était censée accompagner, par une technique en voie de disparition, la fin d'un monde, d'un système, d'un ensemble de valeurs. Puisque rien de tout cela n'était visible à l'écran, un carton un tantinet outrancier expliquait la démarche et construisait le rapprochement en fin de film (ou au début, je ne sais plus). Parmi ces tentatives, la seule démarche qui m'ait semblé intéressante, c'est celle de Demi-vie à Fukushima, un documentaire sur la catastrophe qui misait sur l'effet de la zone elle-même sur la pellicule, comme ces négatifs mangés par les radiations à Tchernobyl.

            On en voit ici un exemple, les dents d'entraînement de la pellicule protégeant par intermittence la montée des radiations du sol, qui en impressionnant progressivement la surface sensible, laissent des marques sur les clichés de ces scènes d'horreur que nous connaissons tous. Malgré tout, le résultat sur Demi-vie est en demi-teinte (je suis prêt à me faire embaucher par Libération) et je ne suis toujours pas convaincu. Dans tous les cas évoqués, les pellicules sont scannées, traitées numériquement, projetés sur un écran fait de pixels, et le dispositif est, à mon sens, en partie défait.

            Et sache que je te dis tout ça en pratiquant la photographie argentique avec une tendresse infinie. Mon Canon AE1-P m'accompagne partout depuis 15 ans, je perds des fortunes à acheter de la pellicule et la développer, je perds un temps fou à scanner mes négatifs et préparer mes tirages. Mais j'ai conscience de mon excentricité et je ne fais pas comme si cette alternative était encore viable, comme s'il existait encore des boutiques de photographie à chaque coin de rue avec un développement et un tirage minute, comme s'il était encore raisonnable de miser sur le film pour composer les images que j'ai en tête.

            • Tom a répondu à ça.

              Ardalion tout cas il est étonnant de voir la 3D comme l'accoucheur de la projection numérique, je ne l'avais pas vu sous cet angle. J'ai même tendance à penser l'inverse, que la 3D est une sorte d'opportunité offerte par la projection numérique, mais que l'objectif était avant tout de passer des bobines au DCP.

              Ça l'a été en France il me semble via Avatar, qui a forcé UGC (alors réticent) à passer à la projection numérique sous la pression du public. Il faudrait revérifier les dates, mais il me semble que le numérique s'impose par ce biais-là. Mais je ne sais pas si c'est le cas aux USA aussi, ni si ce ne fut qu'un prétexte pour une industrie qui voulait faire cette conversion quoiqu'il arrive.

              Si tu as des sources concernant les réactions de cinéastes à l'arrivée du cinémascope, je suis preneur.

              Tu fais bien de me demander, car je me rends compte que c'est surtout quelque chose qu'on m'a dit, plutôt que je n'ai lu ! J'ai surtout en tête la fameuse citation que Godard met dans la bouche de Lang ("Le Cinemascope n'est pas un format fait pour filmer les hommes, mais les serpents ou les enterrements."), mais était-ce généralisé ?

              En cherchant, j'ai trouvé un chapitre assez passionnant d'un bouquin de Brodwell sur la question, qui étudie la manière dont les cinéastes ont du adapter leur mise en scène à l'époque. J'ai survolé le texte dont j'ai pu rater des choses, mais il semble que le rejet ait été mesuré, pas général, et en partie lié aux consignes de mise en scène que les studios qui poussaient à l’utilisation cinémascope donnaient aux réals (et pas seulement au cinémascope lui-même) - on retrouve ici les mêmes irritations face aux consignes des techniciens technicolor.

              Mais je me rends compte que c'est un sujet à part entière qui mériterait – wait for it – son propre topic ! C'est ici. (et il est super ton lien sur les formats, décidément !)


              mais la pellicule est désormais une coquetterie, une forme de caprice. J'ai croisé, ces 5 dernières années, plusieurs réalisateurs, souvent jeunes, qui avaient réussi à tourner leur film sur pellicule, et aucun ne pouvait justifier réellement, techniquement, le choix de ne pas tourner en numérique.

              Je ne suis pas sûr d'être d'accord sur les exemples que tu donnes, et qui impliqueraient que tourner en pellicule nécessiterait une justification esthétique/artistique, une rationalité. Alors qu'il y a une différence assez claire de rendu et de ressenti final qui peut en faire un choix par défaut (si on avait pas les questions économiques, on pourrait alors retourner la question : on ne trouve pas de cinéastes capables de réellement justifier pourquoi ils préfèrent filmer en numérique).

              D'ailleurs, les justifications sont souvent à un niveau de ressenti, et non de note d'intention. Spielberg a intimé Gerwig de filmer son Little Women en pellicule, pour des raisons pas très développées, voire un peu artificielles ("You have to shoot on film. It smells different. You cannot shoot a story that takes place in 1861 digitally. I won’t let you do it!"), et pourtant vue la chaleur naturelle qui se dégage du film fini je pense qu'il a eu bien raison.

              Donc oui, c'est une coquetterie, mais seulement au regard de l'état de la chaîne de production et de l'industrie, pas intrinsèquement en soi par nostalgie (c'est autant une coquetterie qu'un réal qui demanderait à pas tourner une scène en voiture sur fond vert alors que ça coûterait moins cher, mais rien de plus, et son envie resterait compréhensible). Je n'ai évidemment pas eu l'occasion de filmer en pellicule (et je ne pense pas réaliser de courts à l'avenir), mais clairement, si c'était le cas, je ne mettrais pas le film en scène de la même façon. C'est un exemple outré, mais je peux pas filmer pareil ou aussi longtemps un décor vide (qui en numérique et en plan fixe serait vécu comme un pur arrêt sur image) si je dois le filmer en numérique.

              J'ai cela dit l'impression d'être plus sensible (au sens épidermique) à cette différence en salle que toi : tu suggères (mais peut-être parlais-tu juste du cas de ce doc précis ?) qu'il ne reste plus grand chose une fois tout scanné/projeté en numérique, alors que je trouve que la différence de rendu finale reste forte – ça explique peut-être notre différence de position sur la question.

                Tom

                Tom Je ne suis pas sûr d'être d'accord sur les exemples que tu donnes, et qui impliqueraient que tourner en pellicule nécessiterait une justification esthétique/artistique, une rationalité.

                C'est parce que tourner en pellicule aujourd'hui pèse bien davantage dans la balance de production que dans l'apport esthétique/artistique. Et c'est là que je me rends compte que mes activités mettent le problème en perspective, ayant en tête des préoccupations de production qui ne sont pas liées qu'au budget. Si un réalisateur venait me voir pour me dire qu'il veut tourner en pellicule, il faudrait qu'il justifie son choix, que je sois convaincu que le film est un apport réel à l'esthétique de l'ensemble. Parce que dans mon esprit ça ne peut pas, ça ne peut plus, être un choix par défaut.

                Exemple. Un film s'est tourné le mois dernier à Rome, le producteur délégué étant un collaborateur régulier. C'est un long métrage documentaire, qui a fait le pari de la pellicule. Je dis bien un pari, parce que malgré les financements de la région, de la télévision et du CNC, le budget n'est pas non plus pharaonique. Conséquences :

                • 2000 € de pellicule (6h de rushes maximum, ce qui est infiniment peu pour un long)
                • 3000 € de développement
                • 30 000 € de télécinéma

                Le pari est réussi, du moins passée l'étape du tournage. Mais avec ces 35 000 € durement négociés avec les structures partenaires, hors location caméra et toutes dépenses annexes qui auraient été similaires pour un équipement numérique, on aurait pu tourner trois jours de plus. On aurait pu avoir des plans plus coûteux, ou tout bêtement possibles avec un équipement numérique mais pas 35 ni même 16 mm. On aurait pu avoir une postproduction plus poussée (montage image plus long, mixage plus rigoureux avec davantage de voies, etc.). On aurait pu embaucher quelqu'un en plus, ou payer un peu mieux tous les techniciens. Peut-être même qu'on aurait pu avoir tout ça en même temps. Et si nous en étions restés au numérique, on aurait pu avoir 20h de rushes au lieu de 6. Tu vois ce que je veux dire, la pellicule est un effort actif, qui demande une réflexion réelle sur ce que l'on gagne et ce que l'on perd.

                Notre différence de position, pour moi, réside surtout sur ce point précis. On ne peut pas faire de cinéma sans se poser la question de la production, il y a toujours un équilibre à trouver dans l'accompagnement d'une idée, d'une vision. Il faut toujours se demander si un choix est bénéfique au film ou ne l'est pas, de manière quasi-indépendante de la volonté du réalisateur. Et je serais très curieux de faire une projection test, avec toi, dans des conditions professionnelles : 10 plans d'une minute chacun, la moitié tournée en pellicule scannée, l'autre tournée en numérique singeant la pellicule avec tous les outils technologiques du moment. 10 plans, un carnet chacun, 10 minutes pour trouver les 5 pellicules et les 5 numériques.

                • Tom a répondu à ça.

                  Ardalion Le pari est réussi, du moins passée l'étape du tournage. Mais avec ces 35 000 € durement négociés avec les structures partenaires, hors location caméra et toutes dépenses annexes qui auraient été similaires pour un équipement numérique, on aurait pu tourner trois jours de plus. On aurait pu avoir des plans plus coûteux, ou tout bêtement possibles avec un équipement numérique mais pas 35 ni même 16 mm. On aurait pu avoir une postproduction plus poussée (montage image plus long, mixage plus rigoureux avec davantage de voies, etc.).

                  Oui mais là tu me parles justement de choix. C'est comme choisir de couper une scène pour avoir plus de temps sur d'autres : ce sont des choix artistiques, et j'ai envie de dire que c'est au réal de trancher, selon que ça lui semble important ou non (et sans avoir à le justifier : à lui de décider ce qui pénalisera son film ou non). D'autant que les 6h de rushes, bien qu'étant très peu, peuvent aussi avoir leur avantage : je me souviens de Comodin (un réal de docs) qui me disait qu'il continuait à filmer en pellicule parce que justement on pouvait pas tourner en boucle et que ça l'obligeait à une grande rigueur sur le tournage, à faire des choix, et que ça créait une tension et une concentration sans égal au moment d'enregistrer - et qu'il adorait ça.

                  Le point peut-être plus tendax dans la liste est celui de la paie, mais bon là-dessus c'est un peu random, car on pourrait argumenter de même la baisse de n'importe quel autre budget. (par ailleurs, j'avais souvent entendu qu'en fiction, la chaine de post-prod rendait le numérique aussi couteux que la pelloche, mais c'est peut-être plus le cas aujourd'hui ?)

                  Ce que je veux dire, en gros, c'est qu'il n'y a pas de raison "objective" à ce que le choix de la pellicule soit un choix plus artificiel ou plus dispensable que n'importe quel autre choix artistique : au réal de voir (pour le coup, le "indépendant de la volonté du réalisateur" me semble un peu discutable - c'est lui, et lui seul, qui a une vision d'ensemble cohérente de ce dont son film a besoin, et le reste de l'équipe est plutôt là pour lui faire prendre conscience de ce qui est faisable ou pas, mais pas pour trancher à sa place).

                  Et je serais très curieux de faire une projection test, avec toi, dans des conditions professionnelles : 10 plans d'une minute chacun, la moitié tournée en pellicule scannée, l'autre tournée en numérique singeant la pellicule avec tous les outils technologiques du moment. 10 plans, un carnet chacun, 10 minutes pour trouver les 5 pellicules et les 5 numériques.

                  Ce serait intéressant oui, et pourrait me mettre en défaut. Cela dit, à part sur certains films mainstreams à l'esthétique très lisse et retouchée, mon expérience a plutôt tendu à des surprises dans l'autre sens. Je me souviens par exemple, être sorti de Plaire, aimer et courir vite (Honoré) et d'appeler un pote avec qui on a souvent ces discussions, tout excité, pour lui dire "ça y est, j'ai enfin vu un film en numérique devant lequel j'ai pas eu de problème d'immersion, ils sont enfin arrivés à un truc qui marche !", et lui qui m'apprend qui non, c'est tourné en 35mm, juste très peu grainé. Même surprise l'autre jour devant Détective Pikachu (!), que j'aurais jamais pu croire tourné en pellicule, et qui est massivement truffé de retouches et de CGI, mais où j'ai fini par me dire que c'était bien le cas. Et puis il y a le contre exemple de First Cow, que je croyais tourné en pelloche, et devant lequel je me disais toute la séance "y a un truc bizarre qui va pas".

                  Mais oui, il y a sûrement aussi des cas où je me tromperais, j'imagine (par exemple je m'étais gouré sur les quelques épisodes récents que j'avais vu de Waking Dead - c'était tellement moche et plat que j'ai cru à du faux grain). Et en cas de projection pellicule d'un film numérique récent, là je pense que je suis peu capable de déceler la différence.

                    Tom c'est au réal de trancher

                    Tom c'est lui, et lui seul, qui a une vision d'ensemble cohérente de ce dont son film a besoin, et le reste de l'équipe est plutôt là pour lui faire prendre conscience de ce qui est faisable ou pas, mais pas pour trancher à sa place

                    Toi et moi partageons probablement la même idée de ce qu'est un auteur, et le cinéma français tout entier est avec nous. Cependant, un film, s'il naît tout d'abord dans la tête de son auteur, est accompagné tout au long de son accouchement par la production. Sans production, pas de film. Et si la production pense qu'un réalisateur s'égare ou que ses idées du moment sont des lubies, il est de son devoir d'entamer une discussion. En cas de divergence, le rapport de force n'est pas systématique, le producteur a choisi le film et le réalisateur avec qui il travaille, il y a donc une base d'entente sur laquelle il faut parfois apprivoiser, ruser, convaincre. Sauf impossibilité financière, technique ou juridique, c'est bien sûr le réalisateur qui tranche (en France), mais j'ai vécu en spectateur des situations de conflit à faire pâlir Etchebest. Dans les bonus de DVD et leurs petites featurettes hagiographiques, on retrouve parfois ces récits de batailles remportées par les réalisateurs. Dans la réalité, les choses sont moins héroïques et le producteur peut tout aussi bien stopper la préparation, voire même arrêter le tournage. En bref, il faut s'entendre. On ne se lance pas dans la production d'un film si le réalisateur est intraitable sur un point important que le producteur prévoir de négocier.

                    Concernant cette idée de projection test, je ne cherchais pas à te mettre en défaut ! Vois ça comme une étude esthético-culturelle. Je suis réellement curieux de voir comment je m'en sortirais avec mon petit bagage, et quels seraient tes arguments pour ou contre chaque extrait. Comme tu le disais dans ton précédent message, il est possible que tu sois plus sensible que moi à cette question. Ma cinéphilie est née en VHS et s'est étendue en DivX, je n'ai jamais eu cette enfance ou adolescence qu'on peut lire ou entendre par-ci par-là "j'allais au ciné trois fois par semaine avec mon père" ou "ma mère me déposait tous les dimanches devant le ciné de quartier". Étudiant, j'étais tellement fauché qu'une séance une fois par mois, c'était déjà trop. Cette image née d'une transparence projetée était déjà pratiquement morte quand j'ai commencé à avoir de quoi aller régulièrement en salles. Peut-être donc qu'il me manque une éducation sensible de la pellicule, je le reconnais. Mais Walking Dead a des épisodes tournés en pellicule ?

                    • Tom a répondu à ça.

                      Ardalion Et si la production pense qu'un réalisateur s'égare ou que ses idées du moment sont des lubies, il est de son devoir d'entamer une discussion.

                      Ha oui ça je suis tout à fait d'accord ; je voulais juste pointer que le choix de la pellicule faisait partie de ces choix légitimes au même titre que n'importe quel autre - mais ça implique, évidemment, que comme tout choix artistique il peut faire l'objet d'un conflit avec la prod (comme le choix d'un décor cher ou que sais-je).

                      Ardalion Concernant cette idée de projection test, je ne cherchais pas à te mettre en défaut !

                      Ha mais être mis en défaut ça peut être intéressant ! Un test à l'aveugle m'a prouvé il y a quelques mois que je sais pas faire la différence entre coca light et zero, contre toutes mes certitudes, il me faut ébranler d'autres piliers fondamentaux de ma vie pour grandir.

                      Ardalion Mais Walking Dead a des épisodes tournés en pellicule ?

                      À ma grande surprise, il semble que oui (si j'en crois imdb) : en 16mm pour la plupart des plans, en 35mm pour les plans avec CGI. J'en reviens toujours pas tant je le perçois pas à l'écran.

                        Hello Delphine !

                        En fait, je t'ai précédé, j'ai posté le lien plus haut :-)
                        Ton article me sert toujours de référence aujourd'hui, dans les débats sur la question. Il me semblait que c'était un article de premières pistes en vue d'une publication future, mais peut-être n'était-ce pas le cas ?

                        Tom il me faut ébranler d'autres piliers fondamentaux de ma vie pour grandir.

                        On fera donc cette projection et une série de dégustations à l'aveugle qui vont révolutionner ta vision du monde. On commencera par le thon en boîte.

                        Sinon, grande surprise pour The Walking Dead. Mon estime pour cette série a plongé dès l'épisode 2 de la première saison, et arrivé à la troisième je poussais suffisamment de soupirs pour auto-alimenter mon PC avec une éolienne adaptée. Quel gâchis. Je suis très étonné de ce choix, que je n'aurais jamais deviné non plus vu l'absence de prise de risque sur la photographie. Je pense qu'AMC a joué dans le ponçage des aspérités. Petit article ici.

                        "Frank Darabont, when he set out to make the show, fully intended to shoot digital. They tested multiple cameras — they brought along a 16mm camera for fun, and it ended up looking the best. And it's part of what created the unique look of the show. And we just have loved the journey ever since."

                        • Tom a répondu à ça.

                          S'il y a eu tentatives par le numérique d'imitation de quelque chose qui serait propre à l'argentique, c'est que ce dernier présente des qualités que le premier n'a pas, en premier lieu un rendu colorimétrique né de dizaines d'années de travail acharné et de concurrence entre Kodak et Fuji notamment. Mais sur cet enjeu particulier, le numérique a su travailler son rendu, déplaçant les choix du tournage à la post-production, d'une sélection de pellicule à la construction d'un traitement couleur des rushes digitales.

                          Le véritable enjeu serait donc peut-être plutôt du côté de la texture, ajouter du grain ne suffisant pas à reproduire l'aléatoire du déplacement de ces particules argentiques donnant mouvement et douceur aux transitions dans l'image comme à l'ensemble de sa surface. Avec les développements technologiques actuels, il y aurait cependant tout, notamment à base d'intelligence artificielle, pour développer des solutions convaincantes. Est-ce la volonté qui manque alors?

                            mathieu Avec les développements technologiques actuels, il y aurait cependant tout, notamment à base d'intelligence artificielle, pour développer des solutions convaincantes.

                            Sur l'aléatoire justement, je ne pense pas. Le véritable aléatoire n'existe pas en informatique. On s'en rend compte dès lors qu'on écoute de la musique en liste de lecture "aléatoire" : ce sont toujours les mêmes morceaux qui finissent par revenir, quand bien même la liste comprendrait des dizaines de milliers de morceaux. Difficile donc de mimer cet aspect avec des 0 et des 1.

                            mathieu Est-ce la volonté qui manque alors?

                            Ça, je veux bien le croire. Depuis le début, les constructeurs et utilisateurs sont focalisés vers la performance dans la reproduction du réel, quitte à passer de l'autre côté du miroir : course à la définition, à la dynamique ou à la compression. Se tourner vers une émulation artificielle de la pellicule, ce serait opérer un virage à 180° pour aller vers le passé, et donc renier ce qui fait le succès de ces courses à l'armement et du toujours plus. Et enfin, pour quel public ? Nous sommes une poignée à nous intéresser à ces processus, qui ont en sus une dimension majoritairement artistique. Le grand public se fiche bien de savoir si son film émule correctement la EXR 100T.

                            • Tom a répondu à ça.

                              Ardalion Je suis très étonné de ce choix, que je n'aurais jamais deviné non plus vu l'absence de prise de risque sur la photographie. Je pense qu'AMC a joué dans le ponçage des aspérités. Petit article ici.

                              En fait en les lisant tout s'explique un peu : y a pas de prise de risque, plutôt une espèce de choix par défaut dont ils pensent que ça suffit à faire une pensée d'image (les propos reportés tiennent presque plus du grigris porte-bonheur en mode "ça a marché avant donc faut le garder pour que la série continue à marcher"). Il reste que c'est en effet assez curieux de voir tout un groupe, chaîne comprise apparemment, à ce point unanime pour défendre la chose.

                              mathieu Mais sur cet enjeu particulier, le numérique a su travailler son rendu, déplaçant les choix du tournage à la post-production, d'une sélection de pellicule à la construction d'un traitement couleur des rushes digitales. Le véritable enjeu serait donc peut-être plutôt du côté de la texture, ajouter du grain ne suffisant pas à reproduire l'aléatoire du déplacement de ces particules argentiques donnant mouvement et douceur aux transitions dans l'image comme à l'ensemble de sa surface.

                              Hey Mathew ! T'as des exemples de films, ou de démos techniques (je vais jamais sur les sites d'AFC et cie) qui vont dans le sens de ces recherches ?

                              Et d'ailleurs, ce capteur flottant/vibrant de Beauviala, c'est totalement mort, personne n'a jamais repris l'idée ?

                              mathieu Est-ce la volonté qui manque alors?

                              Bah je pense que c'est un peu le problème : tout le monde professionnel voit bien que le public s'en fout complètement (ou s'il a une gêne, qu'il en ignore l'origine : le nombre de fois où je lis "pourquoi aller me faire chier au ciné c'est la même chose que la TV HD de salon" ; combien foutent des filtres pseudo-argentique sur leurs photos instagram...). Et c'est pas très surprenant, au sens où le public a été éduqué et formaté à ça : à comparer la définition 8K de sa TV (quand bien même c'est sur un écran de 1m) avec son voisin comme on comparerait sa bite, à fétichiser l'ultra-précision et les couleurs ultre-contrastées du OLED... On les à tous vus, à l'arrivée des écrans plats, dans les snacks, ces TV fièrement HD qui diffusaient une image 4/3 déformées dans un 16/9è : ça résume tout. On a appris au public que "plus" = "mieux", et maintenant c'est rentré - va donc, du coup, ré-argumenter l'importance d'une part d'aléatoire ou de douceur.

                              Ardalion On s'en rend compte dès lors qu'on écoute de la musique en liste de lecture "aléatoire" : ce sont toujours les mêmes morceaux qui finissent par revenir, quand bien même la liste comprendrait des dizaines de milliers de morceaux.

                              HA ! Tu me confirmes un truc que j'ai toujours soupçonné en mode "mais non tu es fou...". Y avait un bel épisode de Doctor Who sur ça tiens, où des personnages se rendent compte qu'ils sont dans une simulation virtuelle parce qu'ils donnent tous la même réponse quand on leur demande un truc au hasard.

                              là où cela me semble paradoxal, c'est que d'un côté on ne peut pas se passer de tout ce qui a été trouvé en argentique dans la construction du rendu des couleurs et du contraste, le goût des noirs, la mise en avant de la richesse de la peau, les rapports chaud/froid et qu'en même temps des images qui reproduirait parfaitement l'aspect colorimétrique de l'argentique paraitraient probablement d'office datées du fait de la comparaison aux images numériques pures existantes. Il y a donc je crois énormément de films qui héritent des couleurs argentiques, mais en le faisant discrètement.

                              quant à la texture, je pense que beaucoup en sont nostalgiques car l'impression de vie que donnait l'argentique est difficilement remplaçable. Le souci c'est que je ne vois pas qui pourrait reprendre le travail de Beauviala et il faudrait des gens pour bosser la post-production. On constate que l'aléatoire n'existe pas en pratique, même dans la nature. Le fait que les grains ne sont jamais au même endroit d'une image à une autre pourrait être simulé par une intelligence artificielle. C'est le propre de cette technologique de savoir apprendre à reproduire ce qui semble échapper à la machine.

                              • Tom a répondu à ça.

                                mathieu en même temps des images qui reproduirait parfaitement l'aspect colorimétrique de l'argentique paraitraient probablement d'office datées du fait de la comparaison aux images numériques pures existantes.

                                Oui c'est un peu le souci je trouve : on peut pas non plus faire marche arrière toute. Mais les recherches pour sortir quelque chose de désirable du numérique restent à mon sens assez frustrantes, passé ce qu'ont réussi à en faire quelques excellents chef-op (Deakins, Mathon...)

                                Pour l'aléatoire, et pour trouver un terrain d'entente à vos deux positions là-dessus, on pourrait déjà essayer de simuler cet aléatoire (comme le fait une playlist musicale en mode aléatoire, ou le code javascript qui décide de l'image d'accueil parmi une cinquantaine disponible), ou essayer de fonder cet aléatoire sur un aléatoire réel (une banque d'image random où on prendrait des pixels qu'on traduirait en données, que sais-je). La question c'est est-ce que ça suffirait pour obtenir l'effet voulu.

                                Tu m'avais pas parlé de tests faits en ce sens ? (de quelqu'un qui avait fait un exemple de comment arriver au rendu voulu)