- Modifié
Tom Je suis d'ailleurs content que le public n'ait pas suivi les tentatives de 60 fps, qui relevaient exactement de la même logique (plus d'infos = forcément mieux), alors que les sensations d'immersion qu'on perd en "gagnant" en surplus d'information par un framerate plus élevé sont flagrantes.
Je pense que c'est avant toute chose une question de référentiel et de substrat culturel. Pour la plupart des gens, le 24 i/s = cinéma. Le 50/60 i/s = télévision (même plus précisément le soap opéra) ou jeu vidéo. Quand Peter Jackson a tenté une fiction cinématographique en 48 i/s, on lui est tombé dessus comme jamais. Et c'est totalement absurde.
Déjà, il faut se demander pourquoi une cadence d'image serait spécifique à une catégorie artistique, et en quoi changer cette cadence déplacerait le film vers une catégorie moins prestigieuse. Le 24 i/s est un standard arrêté au moment de l'apparition du son synchrone à partir d'un compromis technique. Il fallait suffisamment d'images pour ne pas être gêné par un scintillement ou un défilement trop lent, mais en même temps ne pas monter trop haut dans la cadence pour ne pas avaler les bobines et payer le mètre plus cher. Certains conglomérats avaient choisi le 22 i/s, d'autres le 26 i/s, et on a tranché. Aujourd'hui, cette limitation n'a plus aucun sens puisque des images en plus représentent un coût négligeable. En évacuant la question de la transformation des normes de diffusion qui ne demandent qu'un investissement initial dans la répercussion matérielle de ces décisions, même en prenant en compte le stockage et le traitement, il n'y aurait pas de grandes différences financières entre un film à 24 i/s et un film à 48 i/s. Le workflow resterait en outre quasiment le même, on peut donc dire que logistiquement, il n'y aurait pas de conséquences non plus. La cadence d'image est passée d'une donnée financière et logistique cruciale à un simple chiffre dans les métadonnées des fichiers.
Je ne donne pas cher de la norme 24 i/s dans les deux ou trois décennies à venir. Les enfants qui naissent aujourd'hui s'habituent très tôt à des cadences très élevées pour tout type de supports vidéographiques, ce qui n'a pas été notre cas. Notre regard est biaisé parce que les films qui nous ont marqués sont tous en 24 i/s, et cette forme d'interprétation du mouvement est associée à une plus-value artistique. Mais ces enfants d'aujourd'hui n'auront pas la même expérience, et dans une époque où n'importe quel écran peut tourner en 60 Hz grand minimum, où le moindre téléphone affiche un mouvement avec deux ou trois fois plus d'images qu'au cinéma, où chaque caméra grand public propose un mode à 60 i/s allant jusqu'à 120 ou 200 i/s, où tout le monde cherche le confort et la fluidité, je suis certain que le référentiel va être totalement déplacé vers une cadence élevée, qui ne sera plus l'apanage de la télévision et des soap opéras, ni celui du jeu vidéo. En me projetant davantage, je vois même le grand public ringardiser les films en 24 i/s quand un standard de défilement plus élevé sera installé, de la même manière que le noir et blanc aura été ringardisé quand la couleur s'est démocratisée. Et à ce moment, faire un film en 24 i/s deviendra un risque à prendre, celui de se couper de la majorité du public.