AUTRES CINÉMAS D'APRÈS-GUERRE
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Ce forum est un fourre-tout réunissant ce qui, durant la modernité, n'en fait pas partie. À noter que "l'après-guerre" ici désigne par facilité d'usage une large période de la deuxième moitié du XXe siècle (des années 50 au début des années 80 environ), et non la décennie stricte (1945-1953) que le mot circonscrit habituellement.
Voici quelques exemples de cinéma concernées :
Cinéma de genre, bis et d'exploitation
Durant la période classique parlante, la série B est assez précisément définie : c'est le premier film des séances en double-programme. Ce film est alors plus court et plus pauvre que le film principal de la soirée, il est de facture moins achevée, et doit composer avec ses limites (peu de décors, peu d'acteurs, peu d'accessoires) - mais cela n'interdit en rien le génie, et la série B investit alors les même genres que la série A. Quand les doubles-programmes disparaissent, de nouveaux lieux de projections voient le jour, notamment les drive-in, et surtout les cinémas de quartier. C'est dans ceux-ci, spécialisés dans la projection de ce genre de film, que le cinéma "B" va continuer à se développer, explorant et inventant des genres qui lui sont propres, et prenant beaucoup d'avance sur le plan des représentations (sexualité plus explicite, gore sanguinolent, thématiques taboues). Le "cinéma de genre" de cette époque, s'il reste défini par son budget et sa logique de production rapide, est un terme qui désigne alors plutôt les genres qui n'existent pas (ou peu, et pas sous cette forme) dans le cinéma populaire de masse : les genres trop généralistes, comme le polar ou la comédie, ne sont ainsi pas toujours concernés par cette appellation. Côté dates, on peut délimiter la période concernée par ce forum par des questions d'exploitation : de l'essor des cinémas de quartier (années 50) jusqu'à leur supplantation par les vidéos-club (début des années 80).
Au Royaume-Uni : concerne principalement les productions de la Hammer (Terrence Fisher, Val Guest, John Gilling, Roy Ward Baker...), où le cinéma de genre prendra ses premières couleurs (notamment celle du rouge sanglant). Genres : horreur gothique, policier, films de cape et d’épée, films de mondes perdus...
En Italie : le cinéma de genre italien a une riche histoire, parsemée d'un dialogue souterrain (et d'un échange de talents) entre ses cinéastes et ceux de la modernité. Principaux genres (et cinéastes associés) : films de cape et d’épée (Riccardo Freda, Vittorio Cottafavi...), péplum italien (Pietro Francisci, Fernando Cerchio...), western "spaghetti" (Sergio Leone, Sergio Corbucci, Sergio Sollima...), giallio (Mario Bava, Dario Argento...), gore et film de zombie (Lucio Fulci, Ruggero Deodato)...
Aux États-Unis : on peut faire débuter la période qui nous intéresse à la SF horrifique, par essence très liée à la guerre froide. S'il a des accointances avec le genre européen (les films gothiques de Corman renvoient par exemple volontiers à ceux de la Hammer), le cinéma de genre américain d'alors est généralement moins bariolé et plus réaliste, notamment sur son versant gore. Il est aussi plus vite et massivement qu'ailleurs digéré par le cinéma mainstream, que ce soit lors du Nouvel Hollywood (Rosemary's Baby, Alien) ou ensuite. Principaux genres : Fantastique, SF horrifique, sexploitation, blaxploitation, gore... Principaux cinéastes : Roger Corman, William Castle, Jack Arnold, Russ Meyer, George A. Romero, Wes Craven, Tobe Hooper, Herschell Gordon Lewis...
À Hong-Kong : deux studios majeurs, la Shaw Brothers et la Golden Harvest, se spécialisent dans la production de films de combats : wu xia pian (chevaleresque, plutôt armé), kung fu pian (prolétaire, plutôt à mains nues), kung fu comedy... Cinéastes : King Hu, Chang Cheh, Liu Chia-liang, Chu Yuan, Jackie Chan...
Au Japon : produit en partie au sein des grands studios, le cinéma B japonais est d'une grande diversité. Principaux genres : chambara (film de sabres), Yakuza eiga (film de mafia), Kaiju-eiga (films de monstres géants), Pinku eiga et "roman porno" (érotique)... Principaux cinéastes : Kenji Misumi, Shunya Itō, Seijun Suzuki, Kinji Fukasaku, Kōji Wakamatsu, Yasuzō Masumura, Ishirō Honda, Hideo Gosha, Teruo Ishii, Norifumi Suzuki...
Dans le reste du monde : les cinq pays ci-dessus sont les principaux pourvoyeurs mondiaux de cinéma d'exploitation. On retrouve cela dit parfois des genres locaux spécifiques, comme le "bomba" (érotique) aux Phillipines, ou le film de vampire mexicain. On peut aussi citer quelques cinéastes relativement isolés en leur pays, comme Jean Rollin en France, ou Jesús Franco et Narciso Ibáñez Serrador en Espagne...
Cinémas expérimentaux et héritiers des avant-gardes
Concerne l'essor du cinéma expérimental au sortir de la guerre, et tous les films gardant des traits des cinémas d'avant-garde apparus durant le muet.
Le courant Underground : le regroupement des cinéastes expérimentaux américains (via le New American Cinema Group, ou la Film-makers Cooperative...) facilite la distribution des films, et leur permet de sortir d'un financement uniquement fondé sur le mécénat. En découle un âge d'or New-Yorkais du cinéma expérimental, celui du "Film Underground", qui court tout au long des années 60. Par extension, on peut y intégrer les pionniers du cinéma expérimental américain (détaché des avant-gardes muettes et de leurs mouvements esthétiques venus d'autres arts), à commencer par la très influente Maya Deren. Cinéastes plus ou moins lié au mouvement : Kenneth Anger, Stan Brakhage, Jonas Mekas, Andy Warhol, Michael Snow...
Cinéastes expérimentaux de par le monde : le cinéma expérimental de l'époque ne se résume pas au courant Underground, ni aux USA. Quelques cinéastes de la période, ailleurs dans le monde : Isidore Isou, Jean Genet, Peter Kubelka, Werner Nekes, Patrick Bokanowski...
Cinéastes héritiers des avant-gardes : certains cinéastes, sans être tout à fait expérimentaux (ils sont narratifs, figuratifs, relativement accessibles), ont un cinéma assez travaillé par l'avant-garde pour y être affiliés - par exemple Alejandro Jodorowsky en fiction, ou Jean Painlevé en documentaire. On peut aussi y ranger certains films d'animation travaillés par des recherches formelles inhabituelles (ou par les formes de la contre-culture), comme ceux d'Alexandre Alexeïeff et Claire Parker, de Jan Švankmajer, ou de René Laloux... Plus généralement, la plupart des courts-métrages d'Europe de l'est durant ces années, ou plus simplement tout film d'animation non populaire (difficilement accessible à un public mainstream) peut rentrer dans cette catégorie.
Cinémas d'Afrique Subsaharienne
Inaugurés en 1966 (si l'on excepte un court-métrage de 1955), les cinémas d'Afrique subsaharienne proposent une narration et une esthétique si étrangères aux codes occidentaux et asiatiques qu'il est difficile de les lier aux périodes esthétiques identifiées ailleurs (même si l'on a parfois pu lire ces films comme une expression du cinéma moderne). À travers l'Afrique francophone notamment, un cinéma d'auteur se développe lentement, freiné par des capacités de production par ailleurs grandement chevillées aux financements étrangers. Parmi les cinéastes concernés apparaissant avant les années 80, on peut citer Ousmane Sembène, Djibril Mambéty Diop et Safi Faye (Sénégal), Souleymane Cissé (Mali), Jean-Pierre Dikongué Pipa (Cameroun), Timité Bassori (Côté d'Ivoire), Sarah Maldoror (Angola), Moustapha Alassane et Oumarou Ganda (Niger)...
Cinémas populaires d'après-guerre
Pour tout cinéma populaire qui ne rentre dans aucune des catégories de la période (ni cinéma bis ou d'exploitation, ni cinéma moderne...). Difficile à caractériser, le cinéma populaire d'alors (années 50 à 70) semble surtout se définir par une certaine perpétuation des acquis, une absence de remise en cause profonde de la narration, de la forme, ou de la manière de parler au spectateur que les formes tardives du cinéma classique avaient mis en place - les films faisant parfois même preuve d'une certaine nonchalance formelle (zooms, postsynchronisation flottante...) qui fait aussi leur charme. Cela n'empêche ni l'invention ni le talent, mais se présente comme une exploration des acquis plutôt que comme une volonté de faire évoluer ceux-ci.
Italie : l'âge d'or que connaît alors le pays concerne aussi le cinéma populaire de masse - notamment via un genre, la "comédie italienne", qui a bien plus de spécificités et de particularités (âpreté sociale héritée du néoréalisme, méchanceté sans partage...) que son nom générique ne le suggère. Cinéastes : Dino Risi, Mario Monicelli, Luigi Comencini (plutôt côté comédie) ; Valerio Zurlini, Ettore Scola, Pietro Germi, Francesco Rosi, Luigi Zampa, Renato Castellani, Alberto Lattuada (plutôt côté drame)... À noter que ces films se construisent aussi autour de comédiens et comédiennes qui définissent la période (Alberto Sordi, Vittorio Gassman, Nino Manfredi, Marcello Mastroianni, Ugo Tognazzi, Toto... ; Gina Lollobrigida, Sophia Loren, Monica Vitti...).
France : marqué par la comédie (Yves Robert, Philippe de Broca, Georges Lautner, Gérard Oury, Francis Veber...) ainsi que par le polar (Georges Lautner, Henri Verneuil...), le cinéma populaire français d'alors est aussi le terrain de jeu de cinéastes à la limite d'un cinéma moderne ou "d"auteur" (Bertrand Blier, Claude Sautet, Bertrand Tavernier, Costa-Gavras, Alain Jessua, ou encore Jean-Pierre Mocky). Autres cinéastes populaires de la période : Claude Lelouch, Yves Boisset, Jean-Paul Rappeneau... À noter que ces films se construisent aussi autour de comédiens qui définissent la période (Fernandel, Louis de Funès, Jean-Paul Belmondo, Pierre Richard...).
USA : le cinéma populaire américain de la période, tel que défini ici, est réduit à peau de chagrin, en ce qu'il est kidnappé par toutes les autres "catégories" - le cinéma classique Hollywoodien s'épuise jusqu'au milieu des années 60 avant de rendre les armes, le Nouvel Hollywood moderne attire le public populaire en salle, et les débuts du blockbuster sont plutôt à rattacher au cinéma contemporain (puisqu'ils amorcent le cinéma néoclassique). Restent donc quelques rares cinéastes échappant à ce maelstrom (Richard Fleischer, Blake Edwards, Jerry Lewis, Mel Brooks, John Frankenheimer, Walter Hill, Norman Jewison, Bob Rafelson, Franklin Schaffner, Terence Young...), ainsi qu'un genre propre à cette période transitoire : le film catastrophe.
Inde : l'âge d'or classique du cinéma indien perdure un peu sur les années 60, bien qu'en mutant légèrement (Vijay Anand, Hrishikesh Mukherjee... de nouveaux venus qui peuvent avoir leur place sur ce forum). Puis s'opère une transformation profonde : à son pic dans les années 70, ce cinéma populaire plus foncièrement commercial emprunte désormais davantage aux codes du film noir, axant plutôt ses récits sur les hommes, et plus particulièrement sur les figures de petits travailleurs prolétaires et manuels, autour de la figure de "l'angry young man" permettant d'importer diverses influences étrangères, notamment liées au cinéma d'action (western, kung-fu pian...). On peut à ce titre citer des cinéastes comme Ramesh Sippy et Yash Chopra, qui réalisent les succès les plus fracassants des années 70, mais la période est surtout marquée par des dynasties de cinéma (réalisateurs, producteurs, acteurs...) et par la figure du comédien Amitabh Bachchan.
Dans le reste du monde : les autres cinémas populaires de la période, peu explorés par une cinéphilie plus prompte à suivre les pistes art et essai du cinéma de patrimoine, restent un territoire largement inexploré. On peut néanmoins citer quelques noms importants, quand bien même ils ne disent rien des mouvements d'ensemble : Terry Jones (Royaune-Uni), Li Han-hsiang (Hong-Kong), Ishmael Bernal (Phillipines), Wolfgang Petersen (Allemagne), Gleb Panfilov (URSS), Paul Verhoeven (Pays-Bas)...
Cas ambigus
Il y a une forte continuité entre la période de ce forum (50'-80') et la période contemporaine (80'-) pour beaucoup des cinémas cités ci-dessus. Dans certains cas, la séparation est même totalement artificielle.
Cinéma de genre, bis, et d'exploitation : les années 80 sont l'occasion d'une césure assez notable, par l'essor des vidéoclubs. On observe autour de ces années quelques changements significatifs du côté des genres (apparition et essor du slasher aux USA ou de l'heroic bloodshed à Hong-Kong, fin du glissement érotique du cinéma bis pour laisser place au règne industriel de la pornographique). Durant cette même décennie, l'effondrement du cinéma italien entraîne son cinéma d'exploitation avec lui ; le blockbuster hollywoodien, dont la renaissance tient aussi à un réinvestissement de l'héritage de la série B (horreur, SF, space-opéra, aventure), dépouille le cinéma d'exploitation d'une partie de ses privilèges. Enfin, les nouvelles percées du genre sont davantage référencées : par exemple, à Hong Kong, un cinéaste comme Tsui Hark est d'abord lié à la "nouvelle vague" hong-kongaise, et pose un regard sur l'âge d'or du genre qu'il travaille à renouveler... Reste quelques ambiguïtés liées à la discrétion et la progressivité de cette césure. De quel côté, par exemple, placer des cinéastes comme Carpenter ou Cronenberg, tardifs et assez vite auteurisés ? Et où placer la kung-fu-comedy, qui apparaît à la lisière des années 80 mais dans la pleine évolution du genre dont il décline le nom ?
Cinéma populaires d'après-guerre : là encore, une césure existe dans pas mal de pays, même si difficile à clairement délimiter. À Hollywood, ce serait l'avènement du blockbuster, et des cinéastes néoclassiques pionniers (Spielberg, Lucas, Eastwood...) étrangers à la modernité paranoïaque du Nouvel Hollywood. La chose est plus compliquée en France, en ce que beaucoup de cinéastes populaires (Sautet, Veber, Tavernier, Blier...) ont une carrière pleinement à cheval sur les deux périodes, allant des années 70 à 90. Le déclin d'un certain modèle de cinéma populaire (les films d'action de Belmondo, la fin de carrière et la mort de Michel Audiard...) permettent néanmoins de dessiner une sommaire ligne de partage. En Italie, la chute de l'industrie permet de très clairement différencier les deux périodes - de manière générale, l'hégémonie de la télévision et sa victoire sur le cinéma, dans les années 80, peut servir de césure dans de nombreux pays. L'Inde, enfin, attend les années 90 pour subir ses plus profondes reconfigurations (ouverture au marché extérieur et aux influences étrangères, occidentalisation, influence de MTV), mais il y a sans doute dans son évolution des étapes qui permettent de poser la césure plus tôt...
Cinéma expérimentaux : ma méconnaissance quasi-totale du domaine fait que je ne sais pas du tout s'il y a une étape, ou une ligne de partage évidente autour des années 80, et en quoi elle consiste - même si j'imagine que l'arrivée de la technologie vidéo doit changer des choses. Appel aux spécialistes pour aider à y voir plus clair !
Cinémas d'Afrique sub-saharienne: même ignorance (malgré une impression que le robinet à "auteurs" d'Afrique francophone se tarit au cours des années 80). Plusieurs cinéastes sont cela dit clairement affiliés à la période contemporaine, ne tournant qu'à partir des années 80 : Gaston Kaboré (Burkina Faso), Abderrahmane Sissako (Mauritanie), Mahamat Saleh Haroun (Tchad)... Sans parler de Nollywood, phénomène récent totalement lié à la technologie numérique. Y a-t-il pour autant rupture ? Là encore, j'en appelle aux spécialistes.
Pensez à faire des topics spécifiques !
Si Cinestudia se développe, ce forum "Autres cinémas d'après-guerre" est amené à être décomposé en forums plus spécialisés, comme vous les voyez ci-dessus. Il faudra alors dispatcher les sujets qui y ont déjà été postés... Essayez donc, dans la mesure du possible, de créer des topics au sujet spécifique (par exemple : La place des femmes dans le Wu Xia Pian
plutôt que Le Cinéma de genre Hong-kongais
...), et de bien renseigner l'étiquette du pays concerné.
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