Ho t'inquiètes donc, je vais saucissonner tranquillement tout ça cette nuit...
PetarKuzmanovic Mais entre refuser de diffuser un blockbuster russe (pour peu que cela existe…)
Alors oui, j'ai eu l'honneur d'en vérifier un au boulot – enfin je ne saurais jauger la taille du budget, mais ça essayait clairement d'être un blockbuster dans l'esprit : The Blackout (2019). C'était gratiné !
Le trailer (doublé en anglais) :
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PetarKuzmanovic Alors certes, en boycottant les films russes à l'étranger, on pénalise effectivement des "citoyens russes" (qui dans ce cas en gros, sans parler de degré de dissidence, sont pour leur grande majorité déjà opposés à la guerre)
En fait, des différents articles que j'ai pu lire, pas vraiment – ne serait-ce que parce que la moitié des Russes s'informe uniquement via la télévision (une interview intéressante sur le sujet ici ). C'est davantage vrai chez les jeunes, plus connectés à internet et mondialisés, et dont d'ailleurs beaucoup ont fui, mais pour le reste il semble qu'il y ait une sorte d'apathie, de laisser-faire de la population (qui est aussi une sorte de défaitisme culturellement ancré plus ancien, doublé d'une forte propension au déni, bien aidée par la propagande hardcore). Ce n'est donc pas totalement absurde de vouloir pousser cette population à réagir, même si évidemment ça devient de plus en plus dur au fur et à mesure des lois qui tombent.
Après, le milieu du cinéma lui-même, urbain et intellectuel, branché à internet, n'est sans doute pas celui à convaincre. Mais disons qu'à partir du moment où des diplomates ont risqué leur carrière en écrivant des lettres ouvertes contre le conflit, il y a aussi, manifestement, diverses positions possibles à tenir pour les opposants, dont le silence et le laissez-faire n'est pas la seule option. C'est sans doute facile à dire de ma position, mais je suis du coup en tout cas un peu mal à l'aise à l'idée de collaborer "comme si de rien n'était", même artistiquement, avec un pays qui est entrain d'en envahir un autre. Je trouve assez sain d'établir des relations d'un autre ordre tant que ce conflit dure, relations qui peuvent souligner, constamment et continuellement, que la situation n'est pas normale.
PetarKuzmanovic Il pourrait y avoir des règles simples sur le mode des sanctions financières ou diplomatiques : boycotter les réalisateurs ayant activement et publiquement montré leur soutien au gouvernement.
Je ne sais pas s'il y en a beaucoup, en tout cas beaucoup qu'on importe en France... Le seul cas qui me vient en tête serait Mikhalkov, que j'imagine mal invité à Cannes cette année. Après, il n'y a pas que l'affaire des personnes, mais aussi du soft-power, du rayonnement culturel qui tempère l'image impérialiste du pays, notamment quand il se fait en partenariat avec ses institutions (je peux comprendre le malaise, en ce sens, autour de l’exposition Louis Vuitton, quand bien même il s'agit d’œuvres passées).
PetarKuzmanovic En 2006 à Lussas les mêmes questions s'étaient posées concernant la déprogrammation de films israëliens. Je serais curieux d'entendre les arguments à l'époque (convoquons Antoine Garraud sur ce forum !).
Là-dessus, pas la peine de se voiler la face, on n'est clairement pas cohérents dans nos réactions à ce genre de conflit. Ça vaut aussi pour Lussas en 2006, d'ailleurs, à qui on aurait pu demander pourquoi il n'avaient boycotté de la même façon le cinéma américain en 2003, ou d'autres à plein d'autres périodes...
Il y a des raisons sans doute qui expliquent le traitement différent pour la Russie, à commencer par le fait que ce soit un conflit qui, contrairement à celui qui l'a directement précédé (les années Minsk), est d'une clarté absolument limpide (un envahisseur, un envahi ; un agresseur, un agressé), et qui ne pose pas de difficulté à prendre position.
Après je te dis tout ça d'instinct : je ne suis pas lecteur de textes sur la géopolitique, ni ne connaît l'effet réel de tels blocages.