J'ai l'impression que le cinéma d'animation s'est surtout construit autour de trois grands pôles géographiques, qui correspondent également à trois approches de l'animation (je mets tout au conditionnel car n'étant pas spécialiste, il y a peut-être des bêtises là-dedans) :
Le pôle USA, qui est le pionnier sur le plan d'une production conséquente de studio. Côté Disney ou Fleisher, elle se caractériserait par une tendance au tout-animé / sur-animé comme premier moyen d'exprimer des choses (cette séquence en serait un bon exemple), qui joue l'intégration de la figure au décor par une science des choix de couleurs, et qui a fini par spécialiser, dans les années 40, l'animation comme visant "naturellement" un public d'abord enfantin ou familial. Mais le pays est aussi marqué par une tradition du cartoon (d'ailleurs à partir des mêmes acteurs : Disney et Fleisher, auxquels vont ensuite se rajouter Avery et la WB), visant un public peut-être plus adulte, et à l'animation plus syncopée et abstraite. Récemment, enfin, l'animation US a presque entièrement basculé vers la 3D, en conservant le reste de ses caractéristiques.
Le pôle Japonais (Toei, Mushi, Ghibli, 4°C...) qui prend son essor plus tard, serait lui marqué au contraire par une économie de l'animation (qu'obligeaient les limitations budgétaires d'une industrie qui s'est aussi forgée via la télévision), et donc par une sur-exploitation des plans fixes ou très peu animés (qui signalent qu'ils ne sont pas un arrêt sur image par de petits détails : lumière qui scintille dans l’œil, cheveux qui volent au vent... Autant de choses qui soulignent ainsi une sensation d'immobilité recherchée, ou de suspension). Cette atrophie de l'animation aurait provoqué par ricochet un fort développement de la mise en scène (utilisation des choix de cadres pour exprimer plus, exploitation des contre-champs et rhétorique de la suggestion, création d'un rythme réfléchi pour gérer l'insert des rares plans-clés "money shot" qui bénéficient d'une animation complète...), ainsi qu'un développement des effets pour compenser la fixité des plans et gérer les rapports figure/fond (jeux de fausse perspective entre premier et arrière-plan, effets de lumière, effet de flou d'arrière-plan et d'imitation de jeux de focale, etc.). Un exemple de certains de ces points ici. Ce pôle animé se caractériserait, enfin, par un public visé généralement plus adolescent et adulte, par une grande porosité des œuvres animées entre supports (film, séries, OAV, jeux vidéo...), et par une plus forte auteurisation des films, qui restent néanmoins pour la plupart des productions de studio. Ce pôle semble également dédaigner la 3D, produisant encore énormément en dessin 2D.
Le pôle Europe de l'Est (Trnka, Švankmajer, Raamat...), auquel on peut inclure la Russie (Norstein, Petrov...), qui connaît son apogée sous l'URSS et le pacte de Varsovie, et qui bénéficie des particularités d'une production étatique (avec ce que ça implique de contournement des exigences de propagande, mais aussi de l'absence de souci de rentabilité des films). Davantage l'affaire de cinéastes isolés que de studios, j'ai l'impression, ces films se caractérisent par une certaine mélancolie et dépression, ainsi que par un goût pour la narration muette et symbolique. La forme de prédilection est le court-métrage, ce qui accentue la dimension de "parabole" des films. Les techniques sont plus variées que dans les deux autres pôles, avec un goût pour les marionnettes et les volumes, ainsi que pour les recherches graphiques et jeux de textures. Bien que ces productions aient été destinées pour beaucoup aux enfants, il semble que ceux-ci y goûtaient peu, du fait de leur côté très sombre. J'ai l'impression que c'est ce pôle qui a servi de modèle au court-métrage d'animation international actuel (le court-métrage-type sortant des écoles d'animation), quoique je puisse me tromper. Un exemple canonique de ce cinéma...
Voilà : ce qui m'intéresse, c'est tout ce qui peut exister en dehors de ces trois pôles-là. C'est-à-dire des films ou cinéastes isolés, mais aussi des mouvances, des écoles, d'autres modèles d'animation qui seraient, par définition, moins connus. Ce topic, qui n'a pas vraiment de question à poser, vise à réunir sur le long terme les découvertes en ce sens !
(Alors certes, pour le cinéma d'animation français on va pas découvrir grand chose, c'est presque en train de devenir un pôle en soi d'ailleurs ; ce serait cela dit aussi intéressant d'arriver à en définir les caractéristiques, par opposition aux autres modèles existants).