C'est une question que je me suis souvent posée à propos de la période, et de la relation des cinéastes et studios au code de production (code Hays).
Si mes infos sont justes :
En 1930, le code est d'abord promulgué. Il y a notamment une réunion en février 1930 avec Lord (qui l'a écrit), et les principaux patrons de studios (Thalberg, laskey, Warner…). Ils sont d'accord sur le texte, mais il y a un malentendu : Lord pense qu'ils vont l'appliquer, quand les patrons le voient comme un simple guide de conduite, un code indicatif de plus, qui leur est surtout utile parce qu'il synthétise les codes spécifiques à chaque région ou municipalité, et qu'il leur permet d'éviter une censure nationale en prenant les devants.
De 1930 à 1934 (la période du précode, donc), le bureau fait des rapports dont les studios et réals tiennent peu ou pas compte. Le bureau, dans les faits, n'a aucune autorité.
Le 13 juin 1934, un amendement oblige tout film sortant sur les écrans à obtenir un certificat de l’administration du code de production (label MPPDA). Un film ne peut sortir sans ce certificat, sinon on déchaîne sur lui la pression des ligues de vertu (donc un boycott). Le code, connu dans le détail depuis 4 ans, devient donc soudain "obligatoire".
La question qui me turlupine est donc : est-ce que les réalisateurs et les studios savent, durant ces 4 ans, que ce n'est qu'une question de temps, que le code va finir par être obligatoire ? Ou du moins est-ce qu'ils s'en doutent ? Est-ce qu'on a des infos précises sur ça ? Ça m'intéresse, car ça impliquerait une dimension défouloir avant le couperet qui change pas mal de choses dans la compréhension de ces films (une thèse que m'avait défendue un prof de fac il y a des années, mais sans sourcer).
Le seul truc trouvé sur le wiki anglais tend à dire le contraire :
Soon, the flouting of the code became an open secret. In 1931, The Hollywood Reporter mocked the code and quoted an anonymous screenwriter saying that "the Hays moral code is not even a joke any more; it's just a memory"; two years later Variety followed suit. (source)
J'avais posé cette question il y a quatre ans, et Christophe, en cherchant des infos à ce sujet dans ses bouquins, n'en avait pas trouvé trace. Ce qui lui semblait au fond logique, il m'avait répondu ceci :
C'est assez tordu cette thèse quand on y réfléchit. C'est inverser les causalités dans un processus législatif. C'est parce qu'il y des excès que la loi est renforcée. L'inverse serait capillotracté et supposerait à la fois beaucoup de prescience et d'intentionnalité chez les faiseurs de films. Ainsi, c'est suite aux campagnes de boycott de la Légion de décence catholique début 34 que Breen a renforcé le code Hays en juillet 34. C'est prêter beaucoup d'intentions aux cinéastes que d'imaginer qu'ils ont fait plein de films avec du sexe dedans de peur de ne plus pouvoir en faire par la suite. Je pense que la principale raison qui les poussaient à faire des films avec du sexe dedans est que c'était vendeur.
Et je trouve cet argument assez convaincant, quoique pas exclusif (on peut se défouler par peur du couperet, et ça devient une prophétie auto-réalisatrice, en quelque sorte). On pourrait le formuler autrement : ces cinéastes conçoivent-ils le cinéma qu'ils font alors comme l'amorce d'une grande libération à Hollywood, ou comme un moment particulier/passager ?
Je serais quand même intéressé par le retour de quelqu'un spécialisé sur la période, ou par des sources qui en parlent directement !