Bonjour !
Ça me fait plaisir de lire un message sur ce forum, mais celui-ci est déserté depuis des mois. Peut-être quelqu'un de plus spécialisé que moi sur ce sujet pourra un jour passer ici par hasard et t'apporter une réponse plus complète...
Voici en tout cas ce que j'ai trouvé.
En faisant quelques recherches sur le net, il semble qu'une théorie globale des genres par étapes communes ait en effet été proposée par Christian Metz (un théoricien français influent), semble-t-il dans son livre Langage et cinéma (1973), si j'en crois le seul article citant un livre (et pas seulement l'auteur). Metz dénombre, de ce que j'en lis des sites relatant sa théorie, quatre étapes que vivrait tout genre :
1 - Expérimental
2 - Classique
3 - Parodique
4 - Déconstruction
D'autres pages trouvées sur le web, qui ne citent pas Christian Metz, en proposent une variation proche (probablement une transformation progressive de cette théorie à force de ne pas en remonter à la source), où les deux dernières étapes sont inversées :
1 - Primitive
2 - Classique
3 - Révisionniste
4 - Parodique
Il faudrait se procurer le livre de Metz (il doit être trouvable en bibliothèque) pour lire la théorie dans le texte, mais j'avoue en l'état être un peu dubitatif...
Évidemment, les réflexes parodiques, révisionnistes, ou déconstructifs ne peuvent advenir qu'après que le genre se soit codifié (car il faut des codes à moquer, et des codes que tout le monde comprend) – donc forcément après une période classique.
Mais chaque genre me semble avoir une histoire et des évolutions plus compliquées et singulières que cela.
Exemple du western :
Un premier âge d'or muet (à partir des années 10), où le genre n'est peut-être pas encore totalement codifié, mais où il reste l'un des plus investis par le cinéma américain. Y voir un simple âge expérimental me semble bizarre, vu le caractère massif de la production.
Une phase de creux dans les années 30.
Une phase classique parlante et un nouvel âge d'or (1939-1949) avec une très forte codification - avec ses archétypes et ses personnages-types (cow-boy représentant le peuple, shérif représentant la loi, femme au foyer représentant l'avenir pacifié du pays...), et un souci commun de mythologiser la fondation du pays.
Une phase "révisionniste" si l'on veut (absente du cycle de Metz, mais présent dans sa variante), autour des années 50 : c'est par exemple ce que Bazin appelait le "surwestern" ("un western qui aurait honte de n'être que lui-même et chercherait à justifier son existence par un intérêt supplémentaire : d'ordre esthétique, sociologique, moral, psychologique, politique, érotique"). Ça pourrait aussi concerner toute la phase plus baroque du genre (comme Duel au soleil), ou tous les films réhabilitant la figure de l'indien (ce qui rejoindrait la définition de Bazin). Bref, des codes non pas niés mais compliqués, interrogés, inquiétés.
Puis on a une phase maniériste en Italie (les films de Leone, de Corbucci...), avec des westerns jouant sur l'exagération thématique (personnages tous horribles, violence exacerbée) et l'exagération formelle (longs plans sur les yeux, long zooms, lenteur cérémonielle, émergence du motif du duel...), dans une façon de forcer le trait à outrance pour pouvoir y croire encore (pour répondre au déficit en croyance ayant frappé et tué le genre aux USA).
Et une phase "crépusculaire" enfin, où le genre, totalement vidé en croyance, se visite comme une ville fantôme, comme un genre passé, mort, hagard et dépeuplé, dépressif ou onirique, un peu spectral (Impitoyable, L'assassinat de Jesse James...), phase dans laquelle on baignerait actuellement.
Dans tout ça je ne vois pas vraiment de phase parodique (sinon des cas isolés et éparpillés), ni de phase massive de déconstruction (que ce soit dans un sens méta comme purent l'être Scream et ses émules pour le slasher, ou bien dans une diversification en sous-genres spécialisés) – à la limite on trouve quelques rares westerns référentiels ou post-modernes ça et là (Django Unchained, Le Bon, la Brute et le Cinglé, ou Dead Man, qui rentre cela dit aussi un peu dans le club des westerns crépusculaires).
D'autres genres me semblent avoir des parcours répondant à des nécessités totalement étrangères aux quatre phase citées (par exemple la science-fiction et son pivot politique : paranoïaque dans les années 50-60 marquées par la guerre froide, puis plus émerveillée avec le space-opéra des années reaganiennes).
Sans parler des genres qui meurent et renaissent plusieurs fois au cours du siècle, ou qui changent de pays (le péplum par exemple : italien et associé au film catastrophe dans les années 10 en Italie, puis sous sa forme hollywoodienne dans le muet, avec une pause avant de connaître un regain sous forme de blockbuster gavé de figurants dans les années 50-60, alors qu'il se redéveloppait totalement différemment sur un mode série B-culturistes en Italie à la même époque...).
Bref, à voir dans le texte, mais j'ai l'impression que Metz essaie d'appliquer au forceps une grille de lecture commune (pas surprenant de la part d'un sémiologue, cela dit) à des évolutions de genre toujours plus singulières et compliquées que ça.
En espérant avoir pu aider !