Un topic commun pour toutes les éditions de ce grand festival moins suivi que Cannes par la presse française.
L'édition 2022 vient de se terminer et de remettre son palmarès.
- Lion d'or : All the Beauty and the Bloodshed de Laura Poitras
- Lion d'argent - Grand Prix du Jury : Saint Omer d'Alice Diop
- Lion d'argent du meilleur réalisateur : Luca Guadagnino pour Bones and All
- Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine : Cate Blanchett pour TÁR de Todd Field
- Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine : Colin Farrell pour Les Banshees d'Inisherin de Martin McDonagh
- Prix du meilleur scénario : Martin McDonagh pour Les Banshees d'Inisherin
- Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir : Taylor Russell pour Bones and All
- Prix spécial du jury : No Bears de Jafar Panahi
Une compétition qui réunissait pas mal de cinéastes connus (Noah Baumbach, Darren Aronofsky, Emanuele Crialese, Andrew Dominik, Kōji Fukada, Joanna Hogg, Frederick Wiseman, Rebecca Zlotowski...), et comme toujours marquée par une invasion de films de plate-formes (le créneau de Venise depuis que Cannes les refuse), quand bien même aucun n'a été récompensé.
Globalement, la sélection semble avoir été décevante, voire symptomatique de dérives du cinéma d'auteur contemporain. Le Monde, notamment, fait un portrait au vitriol de l'édition et de son Lion d'or (un documentaire sur la photographe Nan Goldin et la crise US des opioïdes) :
S’il s’avère informatif et intéressant au niveau du contenu, on peut aussi trouver au film une forme convenue, compilation de documents et d’entretiens enchaînés avec un horizon de clarté et d’efficacité.
Le sacre d’un tel film, qui représente le standard du documentaire, est symptomatique d’une tendance de la Mostra depuis quelques années – qu’une logique de tapis rouge porte de plus en plus vers des œuvres « à contenus » (films à sujet, performances d’acteurs appuyées, formes pompières, registre théâtral) – qui fait de la compétition une vitrine des académismes contemporains. En témoigne, outre le niveau globalement médiocre de l’édition, la porte ouverte par le festival aux productions des plates-formes, souvent maximalistes et emphatiques.
Libération est moins négatif sur le Lion d'or :
Un modeste et beau documentaire (...). Les photos de Goldin se confondant avec sa biographie, Poitras leur donne une place centrale, faisant miroiter son passé (moments d’extase dans le New York interlope des années 80 et gros revers du sort, notamment à l’apparition du sida) avec sa bataille ultra-efficace contre les Sackler. Moment à la fois désespérant mais nécessaire du film : assister à l’audience de la famille de milliardaires, contrainte de se connecter comme tout le monde – via webcams interposées (puisque en plein Covid) – et de donner à voir, peut-être encore mieux que s’ils étaient physiquement apparus dans une salle de procès, le vide machinique de leurs regards face à l’ampleur de leur faute.
Mais le bilan que le journal tire de la sélection reste tout aussi mitigé :
Alors que se termine le festival, on attend des films qu’ils charrient quelque chose comme l’écume du monde, et non pas simplement les effluves d’autres œuvres, donnant l’impression désagréable d’appliquer des recettes sans trop y croire. (...)
Le recours à une imagerie vintage, dont on critique la puissance oppressive tout en célébrant, de fait, la perfection plastique, est le signe d’une impasse des questions de représentation, si présentes cette année dans les films de la sélection (L’Immensità d’Emanuele Crialese, Monica d’Andrea Pallaoro), mais qui n’aboutiront pas si elles ne s’arriment pas à une réflexion sur la forme des œuvres.
Les deux journaux semblent se mettre d'accord sur le film d'Alice Diop, qu'ils encensent (ce qui confirme les attentes, ses docs étaient bons). Le Monde sauve également le film de Panahi (que Libé n'a pas vu), et surtout un film hors-compétition (Master Gardener de Paul Schrader).
À part le Figaro, je n'ai pas trouvé d'autres couvertures françaises du festival (rien chez Critikat), mais j'ai pu en rater. Attention cela dit aux biais critiques français : le Guardian (quoique pas toujours fiable) semble avoir passé un bon festival.